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Bill Danforth | Le nomade américain | Partie 1


Bill Danforth | Nottingham, Angleterre (1989). Photo : Ian Lawton

Tu étais à Montréal pour la soirée d'inauguration du skate shop Revolution 514 en novembre 2019. C'était super de te rencontrer, de discuter, de boire quelques bières et de parler de punk rock et de skateboard ! Comment s'est passée la soirée ? Qu'as-tu pensé du shop et qu'as-tu fait d'autre pendant ton séjour ?

Dès mon arrivée chez Revolution 514, j'ai été emballé, car c'est exactement ce qu'est un vrai skate shop, et ils sont rares de nos jours. Rev 514 est accueillant, ils le rendent confortable. On y retrouve le mélange de musique, les disques, les flyers au mur et le petit skate shop à l'arrière. C'est un skate shop pour moi, et Montréal avait besoin d'un skate shop comme ça. Avant, il y avait Spin Skate Shop ; j'adorais cet endroit et j'y allais chaque fois que j'étais à Montréal pour passer du temps. J'ai fait le Warped Tour avec eux, où je m'asseyais dans le stand et les aidais à distribuer des t-shirts et à promouvoir le shop. Quand Page (Paget Williams : copropriétaire de Revolution 514 et cofondateur de Greenland Productions) m'a dit ce qu'il faisait, je me suis dit : « Exactement, je ne peux pas le rater ! » J'étais très reconnaissant qu'il ait envisagé de m'y emmener. C'était vraiment cool de sa part, et ça faisait déjà plusieurs années que je n'étais pas venu à Montréal. J'ai revu beaucoup de bons vieux amis et j'en ai rencontré plein de nouveaux. J'ai pu revivre Montréal.
 Orion Curiel | Cofondateur - Révolution 514 | Montréal, Québec

Dans une interview accordée à Juice Magazine , lorsqu'on vous a demandé : « Quels skate shops soutenez-vous ? », vous avez répondu : « Achetez chez une entreprise qui livre directement depuis son placard. » À votre avis, quels sont les éléments nécessaires pour créer un skate shop exceptionnel ?

Un lieu créé pour être un lieu de rencontre. J'ai vu trop de ces boutiques par le passé, et si vous n'achetez pas, ils ne veulent pas de vous, ils veulent vous faire sortir. Pour réussir, il faut aussi soutenir les petites marques. Il faudra vendre votre Element, votre Alien Workshop et tout le reste pour continuer à fonctionner, mais il faut toujours respecter et soutenir les marques locales.

« Un skate shop doit être une expérience, pas un achat via Paypal. »

Avec mon entreprise, American Nomad Skates , nous avons des magasins phares dans le Connecticut qui achètent chez nous. Souvent, nous les livrons même si nous passons par là. Ça ne me dérange pas d'aller là-bas et de voir les Elements , les Reals, les Santa Cruz et tout ça. Pour qu'ils nous soutiennent, achètent et mettent en avant nos produits, vous savez, il est essentiel de rester local. Beaucoup de nouveaux acheteurs viennent nous dire : « Tiens, je veux une planche Element » ou une marque très connue, mais il y a aussi des skateurs passionnés qui viennent et qui disent : « Waouh, American Nomad, ils sont du Connecticut, moi du Connecticut, je vais soutenir les locaux ! » Je pense que c'est vraiment important. Dans le skate, il y a beaucoup trop de magasins en centre commercial et beaucoup trop de commerce en ligne. Un skate shop doit être une expérience, pas un achat via PayPal.

Vous et Page, ça fait une vingtaine d'années qu'on se fréquente, n'est-ce pas ? Comment vous êtes-vous rencontrés et avez-vous des anecdotes à partager ?
On s'est rencontrés à un salon, on est devenus amis, puis il a commencé à m'inviter à Montréal pour les qualifications du Warped Tour. J'ai fait ça plusieurs fois. On a fait Vancouver, Calgary, Winnipeg, Toronto et Montréal. Page, en tant que tour manager, passait toujours par Détroit. Il venait donc à Détroit et j'allais le retrouver sur place pour lui dire « Salut ! » On est toujours restés en contact. En peu de temps, il m'a tenu super occupé. Il me disait : « Alors, on a fait les qualifications du Warped Tour, ça te dirait de venir à Montréal pour le Warped Tour ? » Je lui répondais : « Ouais, offre-moi un billet de train ! » J'ai participé à plein d'événements sympas avec Page. J'ai fait Ramp Rage avec lui quand ils l'ont installé près de l'Université McGill à Montréal. On a construit une immense rampe verticale et un immense parcours de street. J'étais là, j'étais juge et j'aidais à tout organiser. Page m'a toujours inclus, ce qui était super cool. C'est un ami et s'il y a une opportunité, il me demandera si je veux la faire. Il ne m'a jamais trompé. Il a toujours été franc et courtois, tu sais ? Une fois, on était à Vancouver et il m'a dit : « J'ai pris trois billets de remontées mécaniques pour Whistler/Blackcomb, on va faire du snowboard demain. » J'ai répondu : « Mec, je ne fais pas de snowboard ! » Il n'a pas eu besoin de me le demander, mais il a pu le faire et il était très ouvert. Mon corps est tellement criblé de trous ; même à l'époque, et c'était il y a probablement 18-20 ans. Je suis en bas de Whistler, dans ce magnifique chalet, tu crois que j'ai envie d'aller là-haut dans la neige alors qu'il fait 21 degrés en bas ?… Non, je ne vais pas monter dans la neige. Je déteste la neige. (Rires)
J'ai passé une bonne quinzaine d'années à aller à Vancouver au moins une ou deux fois par an, car je patinais pour Skull Skates. PD (le fondateur de Skull Skates) m'emmenait là-bas pour la fête du Canada et on organisait toujours un énorme concours, mais c'était surtout une journée sympa. J'ai passé de très bons moments là-bas : il y a des trucs vraiment cool à Vancouver.
Parlez-nous de votre lien avec Montréal. Commençons par le début, lorsque vous veniez jouer au hockey ici vers 1974-1975.
J'ai eu la chance de jouer au Forum de Montréal à cette époque avec les Spitfires de Grouse Point. Habitant à Détroit, on avait des chaînes canadiennes, donc on avait toujours Hockey Night In Canada à la radio, et j'adorais voir les Maple Leafs jouer dans leur stade, et j'ai toujours aimé regarder les Canadiens jouer au Forum. L'avant-dernière fois, quand j'étais à Montréal, j'ai pu retourner au Forum après y être allé enfant, et j'ai vu qu'il y avait encore cette petite section de sièges, la ligne rouge, et qu'ils avaient construit un centre commercial autour. Mais le truc, c'est que vous savez toute l'histoire de ce bâtiment ? Prenez Olympia, où jouaient les Red Wings de Détroit ; ils l'appelaient la Big Red Barn. Cet endroit a été démoli il y a une quarantaine d'années. Il n'y avait pas de recyclage ni de transformation, mais c'est ce qu'ils ont fait au Forum, et c'est génial ! Tous les concerts et les spectacles qui s'y sont déroulés. C'est incroyable ! L'émeute de Metallica s'est produite là-bas quand Hetfield s'est immolé par le feu.

« On a battu toutes les autres équipes canadiennes, mais on n'a pas réussi à battre l'équipe de Montréal ; on s'est fait avoir. On a commencé à intégrer ces Canadiens français, à l'époque… Oh oui, on s'est fait avoir ! Ils sont allés au camp de hockey de Rocket Richard. »

Je me souviens qu'on a joué comme un match régional avec les Spitfires de Grouse Point à London, en Ontario. Ensuite, on est allés à Guelph, puis à Toronto où j'ai pu jouer au Maple Leaf Gardens, et enfin à Montréal pour jouer au Forum. Pour moi, c'était ma Coupe Stanley, et j'y ai marqué un but ! Pour couronner le tout, on a perdu le match et je suis rentré chez moi un peu découragé. On a battu toutes les autres équipes canadiennes, mais on n'a pas réussi à battre l'équipe de Montréal ; on s'est fait une leçon. On a commencé à mettre les Canadiens français dans le coup, à l'époque… Ah oui, on s'est fait une leçon ! Ils sont allés au camp de hockey de Rocket Richard. (Rires)

Bill Danforth | Big O - Montréal, Québec | Photo de Marc Tison

Impossible de parler de Montréal sans évoquer le célèbre Big O Pipe, et je sais que tu l'as déjà skaté. Peux-tu nous raconter des anecdotes sur la façon dont tu as skaté sur cette structure de béton inhabituelle au Parc olympique ? Avec qui as-tu skaté au Pipe ? Y a-t-il d'autres spots de Montréal qui te sont restés en mémoire ?

J'y suis allé avec Barry Walsh et Marc Tison. Je n'aurais pas pu rêver de meilleurs gars pour m'y emmener pour ma première fois. Je me souviens juste avoir eu tellement de plaisir. Il faut un peu de temps pour s'y habituer. Tison a pris quelques clichés. Ils voulaient des photos, et quand le livre est sorti (Pipe Fiends: A Visual Overdose of Canada's Most Infamous Skate Spot), ils ont utilisé l'une des photos et m'ont contacté pour me dire : « Ça te dirait de nous envoyer une citation ? » Bien sûr, en une phrase, j'ai dit quelque chose comme : « Le Big O était bien mieux adapté au skateboard qu'aux Jeux olympiques. » C'est un de ces endroits incontournables : à Montréal, il faut absolument aller skater au Big O. Et pouvoir skater avec eux… J'ai aussi adoré skater au parc Jarry.

« Ce film est un trésor canadien. The Devil's Toy est une vraie bombe, parce qu'une fois qu'on l'a vu, on en veut encore plus, et on a envie de le vendre aux autres ! »

Ma vidéo de skateboard préférée de tous les temps, c'est Devil's Toy, tellement en avance sur son temps que c'en était ridicule. J'ai fait découvrir ce film à tellement de gens qui, en temps normal, n'auraient même pas su qu'il existait. C'est une vraie œuvre d'art ! La dernière fois que j'étais à Montréal, Page m'a fait visiter les lieux de tournage d'une grande partie de Devil's Toy. Ce film est un trésor canadien. Devil's Toy, c'est de l'héroïne, parce qu'une fois qu'on l'a vu, on en veut encore plus, et on a envie de le vendre aux autres !

Le Jouet du diable (1966) de Claude Jutra

Enfant, ayant grandi à Détroit dans les années 70, vous avez été témoin de la naissance du punk et du hardcore. Parlez- nous de votre implication dans la scène punk rock et hardcore de Détroit.

Tout est venu du skateboard. On lisait Skateboarder Magazine et on voyait ces mecs se couper les cheveux et se les teindre, et ils écoutaient toute cette musique déjantée qu'on devait chercher et trouver avant. On en jouait au skatepark et les gens du coin disaient : « Tiens, moi, je joue de la batterie, de la guitare ou de la basse ! » Et on a commencé à former des petits groupes punk. On jouait dans les skateparks, dans des petits garages et des arrière-cours. On attirait de plus en plus de monde, et tout le monde disait : « On a un club en plein centre-ville, au cœur du ghetto, pourquoi ne pas venir jouer avec nous ? » Ça coûtait 3 dollars pour aller voir huit groupes. C'est comme ça que la scène hardcore a commencé à Detroit. Ça a commencé avec les skateurs. Cette scène, de 1980 à 1984 environ, était l'une des plus hardcore du pays. Washington DC avait son truc, New York avait le sien, et bien sûr Los Angeles et San Francisco avaient les leurs. Mais même à l'époque, il y avait ces jeunes groupes de skate punk comme JFA qui étaient à Phoenix, en Arizona. JFA a créé sa propre scène à Phoenix. On faisait la même chose à Détroit avec Negative Approach et les Necros. Black Flag et Minor Threat passaient par là. On faisait de bons concerts. On recevait toujours les Misfits, car ils savaient qu'ils pouvaient toujours venir à Détroit et faire salle comble. On recevait des groupes de Chicago, car on était proches. On ne recevait pas beaucoup de groupes canadiens, sauf ceux de Windsor, en Ontario. Windsor avait aussi une bonne scène grâce à un bar appelé la Coronation Tavern. Minor Threat y a d'ailleurs joué une fois, probablement en 1981. Ça a fermé très vite, alors les punks de Windsor ont afflué à Détroit et ont plus ou moins considéré Détroit comme leur scène. On avait d'excellents groupes comme Flesh Columns. Ils venaient de Windsor et avaient signé chez Touch and Go Records, un label du Michigan. Touch and Go était en fait un label Tesco Vee du label des Meatmen. Et le deuxième EP de Necros qui est sorti était à moitié Dischord, à moitié Touch and Go. Ça a vraiment fusionné la scène de Washington et la scène hardcore du Midwest, appelée scène de Détroit. C'est ce qui a vraiment cimenté notre relation. On recevait tous ces groupes de Washington qui voulaient jouer à Détroit, et on recevait tous ces groupes de Détroit qui voulaient aller jouer à Washington. Ça a créé un lien entre deux scènes qui auraient pu se détester autrement, ce qui était génial ! Ça a vraiment fait grandir le punk rock à l'est du Mississippi . Les groupes californiens signaient déjà des contrats avant même que les groupes punk de Détroit ne signent des autographes. Les groupes n'avaient pas d'ego à l'époque. Si un flyer ne proposait que quatre groupes et que huit se présentaient, devinez quoi, huit groupes jouaient. Un samedi soir à Détroit, on croisait tout le monde, de Tesco Vee à John Brannon. Negative Approach et les Necros étaient toujours les groupes maison. On devait parfois faire la tournée des clubs, juste parce que les concerts prenaient de l'ampleur – c'est à ce moment-là que tout le monde pensait que la scène de Détroit avait un avenir. Vers 1984, le groupe a pratiquement disparu et est resté stagnant pendant un bon bout de temps. Après le Freezer Theatre, il y avait le Clubhouse et cette vieille maison funéraire dans le même quartier. La scène s'est un peu dispersée. Je pense que beaucoup de gens ont changé de direction et sont allés à l'université. Aujourd'hui, NA fait plus de concerts que jamais. Ce n'est pas la programmation originale, mais ils ont assuré un spectacle vraiment excellent.

« J'ai réuni ces quatre membres pour la première vraie Negative Approach. Ils n'ont même pas eu besoin d'afficher l'annonce. Ils ont tous joué un soir, et juste après, ils ont monté un groupe. »

John Brannon et moi étions au même lycée. Avant même de former Negative Approach, John et Pete Zelewski composaient déjà des chansons ensemble. Un jour, ils sont venus au skatepark pour chercher un panneau d'affichage pour recruter un guitariste et un batteur. J'ai dit à Pete : « Tu sais quoi, j'ai un guitariste qui skate dans la piscine et un batteur qui skate aussi. Reviens les voir. » Ces quatre gars étaient les seuls membres de NA à avoir jamais enregistré. J'ai même réuni ces quatre membres pour former le premier vrai Negative Approach. Ils n'ont même pas eu besoin d'afficher l'annonce sur le panneau d'affichage. Ils ont tous joué un soir, et juste après, ils ont monté un groupe.
Bill Danforth | Montréal, Québec (2019)
Vous avez participé à tous les aspects d'un concert, de la tournée à la réservation, en passant par la création de flyers et le nettoyage du lendemain. Parlez-en.
Quand les groupes arrivaient le vendredi ou le samedi soir, on était plusieurs, entre 15 et 16 ans, à les aider à transporter le matériel. On balayait le Freezer Theatre, on ramassait tout le bazar de la veille et on s'occupait de l'entretien de la salle. On était fiers de faire ça, car on contribuait à une scène en laquelle on croyait. On voulait que notre endroit soit rangé et aussi propre que possible pour que nos amis puissent venir voir Negative Approach, les Necros ou d'autres artistes.
Tout le monde créait son propre fanzine, écrivait des critiques de concerts et promouvait les concerts à venir. On faisait tellement de choses avant l'éditique. On écrivait ce truc à la main ou à la machine, on l'apportait à Kinkos et on rentrait à la maison pour l'agrafer. C'était comme ça que ce truc était populaire à Détroit. Chris Moore travaillait dans une imprimerie. D'où crois-tu que viennent tous ces flyers pour tous ces foutus concerts ? Chacun a fait sa part, d'une certaine manière, ce qui a fait prospérer la scène punk rock.
 
Chris Moore de Negative Approach était l'un de tes amis skateurs les plus proches , n'est-ce pas ? Comment vous êtes-vous rencontrés ?
Oui, il a ridé pour Powell et Tracker. Il vit maintenant à New York, enseigne la musique, se produit beaucoup sur scène et joue occasionnellement avec Negative Approach. C'est un artiste fantastique, avec un style unique. C'est l'un de mes meilleurs amis depuis toujours. Je le connais depuis plus de 40 ans. C'était un pote de skatepark, on avait le même âge et on s'est tout de suite bien entendus. On a grandi au skatepark (Endless Summer) et bercés par le punk rock, mais quand je le vois en vrai, c'est toujours le même gamin de 14 ans et moi toujours le même. On parle des mêmes conneries. Tout est né du lien qu'on a tissé au skatepark. Ce skatepark, c'était notre lycée, c'était notre club-house. Si, pour une raison ou une autre, on manquait un jour, tout le monde nous demandait : « Dis donc, mec, ça va ? Où étais-tu aujourd'hui ? » On était super soudés. On était une douzaine. On y allait tous et on formait des groupes. La plupart d'entre nous sont restés amis, et on s'est retrouvés en 2001, et on était pas mal là. Je jure qu'on avait tous 14 ans quand on s'est revus ; 14 avec quelques fûts. Notre douzaine d'Endless Summer étaient tous impliqués dans la scène punk, donc on se voyait non seulement au skatepark tous les jours, mais aussi aux concerts. Un type a la meilleure histoire photographique du punk rock (Davo Scheich), parce qu'il disait : « Je ne vais pas aller à ces concerts sans prendre de photos, je suis photographe. » Du coup, on avait non seulement toutes les photos de skate, mais aussi toutes les photos de punk rock. C'était avant qu'il faille des cartes de presse et toutes ces conneries. On amène un appareil photo, on paie 8 balles, on va voir un concert et on prend ces photos qu'on peut maintenant vendre pour des milliers de dollars !
 
Pouvez-vous me donner une petite leçon d’histoire sur le Freezer Theatre ?
À l'époque, Détroit était en difficulté. Le Freezer Theatre était situé dans le quartier le plus défavorisé ; c'était un endroit difficile. Il y avait toujours un groupe de gens autour de vous, et les voyous du quartier avaient peur des punks. Regardez la bande-annonce de « Dope, Hookers and Pavement : The Real and Imagined History of Detroit Hardcore ». C'est ça, Détroit.

« Nous avons tous pris soin les uns des autres, nous nous sommes tous soutenus les uns les autres. »

Approche négative | Le Congélateur (1982) | Photo de Davo Scheich
Ce type indépendant a trouvé l'endroit le moins cher à louer au cœur du quartier le plus pourri de Détroit et a décidé d'y faire jouer des groupes. Il y avait des groupes les vendredis et samedis soirs, et ça payait le loyer. Je crois qu'il ne payait que 135 dollars par mois pour le bâtiment. Il n'y avait pas de fenêtres, seulement une salle de bain fonctionnelle, jamais accessible car elle était toujours remplie d'amplis et d'autres appareils. Donc, en gros, on pissait dehors, tout seul, dans la ruelle ou en face, au Burger King. Les gens savaient qu'il se passait quelque chose au Freezer Theatre, le vendredi ou le samedi soir. Cet endroit n'a tenu qu'un an et demi peut-être, car c'était illégal et ils ne vendaient rien. Il suffisait d'ouvrir la porte et c'était le club. Il y avait une scène minable construite avec des chutes de contreplaqué. Negative Approach avait une salle de répétition au coin de la rue, et c'était encore plus petit que le Freezer Theatre. Quand le Freezer a fermé, ils ont décidé d'utiliser le Clubhouse pour les concerts. Donc si le Freezer ne pouvait contenir que 135 personnes, et qu'on en accueillait 300, le Clubhouse ne pouvait en réalité en contenir que 80, mais on en aurait rempli 230. Social Distortion y a même joué lors de la tournée Another State of Mind. Ils sont tombés en panne à Détroit et c'est là que la tournée s'est terminée. Social Distortion avait besoin de l'argent du bus pour rentrer et ils ont fini par jouer au Clubhouse. Je crois que c'était un concert à 3 dollars. Remplir cette salle avec autant de monde, c'était totalement interdit par les règles de sécurité incendie, mais à l'époque, Détroit s'en fichait complètement ! Les pompiers n'allaient pas y aller et faire fermer ce putain de concert punk rock ; ils avaient des problèmes plus importants à régler. Comme c'était si près du Freezer, en descendant vers le Cass Corridor et en étant punk, on n'avait jamais peur, parce que là où il y a un punk, il y en a quinze. On avait une scène skinhead et une scène punk, mais on n'avait pas de problème entre punks et skinheads, contrairement à beaucoup d'autres villes. On avait aussi une population très métisse à Détroit, ce qui était super cool à l'époque parce que tout le monde s'entendait bien. C'était punks contre tout le monde, pas punks contre punks. Dans certaines villes, on allait à un concert et il y avait une bagarre entre punks venus pour la même chose ; c'était complètement stupide. Détroit, ce n'était pas comme ça. On était un groupe soudé qui aimait écouter notre musique locale. On était très accueillants envers les groupes qui venaient d'ailleurs. On accueillait les groupes et on essayait d'en faire venir d'ailleurs. C'étaient les petites salles. Les grandes salles ; ce que j'appelle les concerts à 8 $… J'ai vu The Damned pour 8 $. J'ai vu Anti-Nowhere League pour 8 $ en 1981. Même ces clubs savaient qu'ils pouvaient toujours faire salle comble. Ils savaient toujours qu'ils étaient protégés des voyous ; ils n'avaient pas à se soucier de la sécurité, car on se surveillait nous-mêmes. Tu vois, un idiot qui se déchaîne, tu l'escortes en bas des escaliers, la tête la première. Tout le monde se connaissait. Si quelqu'un s'en prenait à quelqu'un, tu allais le confronter. Moi, j'ai 15-16 ans et je confronte ces vieux bourrés en leur disant : « Hé mec, fiche-la tranquille, elle ne te rend pas d'ordres, fiche-la tranquille. » On s'entraidait, on se soutenait.

« Je préférerais avoir cette photo plutôt que mon album de fin d'année de lycée, et devinez quoi, je n'ai pas mon album de fin d'année de lycée. »

Alva Posse | Chicago (1988) | Photo de Steve Gross

Pour conclure la première partie de cette interview, je voudrais évoquer la photo emblématique d'Alva Posse, prise en 1988 à Chicago. Tout le monde a les cheveux longs et des dreadlocks, et il y a Bill Danforth avec le crâne rasé. Ces gars-là vous ont-ils fait la morale parce que vous aviez les cheveux courts ?

Oh putain non ! On avait une équipe équilibrée. Il y avait des gens de tous les coins du pays. J'ai gardé mes putains de racines punk rock. Je n'allais pas me laisser pousser des dreads parce que j'ai ridé pour Alva ; je ne suis pas un traître. Je vais rider avec des putains de bottes, je vais porter des gilets en jean, je vais porter des vêtements déchirés. J'ai pas besoin d'une étiquette Stussy sur mes putains de fringues. Je vais rester fidèle à l'âme avec laquelle j'ai grandi dans le skatepark de ma ville natale, comme tous les gars de l'Alva Posse. On avait les Texans, on avait JT de Floride, on avait Hartsel du New Jersey, on avait Cooke de San Francisco et on avait Fred Smith de Boston. On avait une équipe très bien, très soudée ! On avait Duncan, on avait le crew de San Diego. On était tellement soudés que quand on voyageait ensemble, on connaissait tous quelqu'un quelque part. Un jour, j'ai pris l'avion de Los Angeles à San Francisco et Chris Cooke m'a dit : « Dis donc, je vais appeler mon frère. On a une escale de 4 heures. Tu veux traîner à l'aéroport ou aller manger un bon burrito à San Francisco ? » J'ai dit : « Je veux aller manger un bon burrito à San Francisco et boire quelques bières ! » Il m'a répondu : « Je vais demander à mon frère de venir nous chercher. » C'est ça, la fraternité, et c'est ça, l'équipe Alva. On n'était pas l'équipe Powell, et on n'a jamais voulu être l'équipe Powell. On voulait être l'Alva Posse. On s'entraidait. Passer du punk rock hardcore de Detroit à la Californie et rencontrer Alva, c'était ce même genre de fraternité où je savais que personne ne laisserait tomber personne. On était juste une équipe. On se fichait complètement de nos performances en compétition, on se fichait complètement de ce qu'on pensait de nous. Tout ce qui nous importait, c'était d'y aller, de s'amuser, de représenter Alva en tant qu'entreprise et d'être un véritable représentant de Tony Alva lui-même, le plus grand skateur de tous les temps. Je préférerais avoir cette photo à mon album de fin d'année, et devinez quoi, je n'ai pas mon album de fin d'année.

Bill Danforth | Le nomade américain | Partie 2 | À VENIR ! 

Landyn McIntosh | Publié le 30 avril 2020